Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/48

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pecus. Penſe-t-on qu’il ne ſe trouve point de jeunes gens qui, dans le délire de l’amour-propre, ſe croyant autant de Jean-Jacques, voudront ſe conſacrer par des confeſſions comme lui, mêlant leurs noms à tous les noms, leurs fautes à celles de cent autres, déchirant les réputations, ſouillant les mœurs, coudoyant & bleſſant leurs malheureux voiſins, ſous prétexte, dans leur repentance, de ſe frapper plus rudement la poitrine ? On ne verra plus, ſi Dieu n’y met ordre, que confeſſions ingénues & pénitens innocens, finiſſant toujours par ſe donner gracieuſement l’absolution à eux-mêmes pour mieux la refuſer aux autres. Ainſi, les Confeſſions de Rouſſeau autoriſeront peut-être vingt libelles ſous le beau nom de repentirs. Quelle porte ouverte à d’indignes abus ! Que le Ciel préſerve un homme honnête & ſenſible au remords de leur avoir offert la moindre iſſue ! Quelles ſont fréquentes dans la ſociété, ces occcaſions où l’intérêt d’un ſeul eſt mêlé à celui de pluſieurs, où l’appel d’un ſeul nom fait lever cent têtes ! Parmi ces intérêts compliqués, que doit faire un homme ſage ? Se taire, ſe confeſſer à ſa conſcience même, & n’inquiéter jamais en public celle des autres ; il doit laiſſer les fautes aux regrets les vices aux remords, & les condamnations publiques aux loix ſeules : ceci n’eſt pas ſimplement prudence ; c’eſt devoir.

Réflexions ſur la publication des Lettres de Rouſſeau, & des Lettres en général.

C’eſt une mode aujourd’hui, c’eſt une épidémie que la publication des lettres : peu d’auteurs dont on ne