Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/50

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ridicule à Rouſſeau, en a reçu pour ſalaire cette réponſe admirable qui le couvre de confuſion.

Mais quoi ! dira-t-on, les lettres de Rouſſeau n’appartenoient-elles pas à Rouſſeau ? Non, & je crois, ſans erreur, qu’une lettre n’appartient pas moins à celui qui l’a reçue qu’à celui qui l’a écrite : c’eſt une propriété commune, & nul des deux ne peut en dispoſer ſans la permiſſion poſitive de l’autre.

L’abus des lettres eſt aujourd’hui ſi général, qu’il eſt bon d’inſiſter un peu ſur ce ſujet, & je ne penſe pas que les honnêtes gens me le reprochent. Nous ne nous gouvernons point nous-mêmes, & nous n’avons pas cherché le bonheur dans une liberté orageuſe ; du moins faut-il le trouver dans la paix civile & les douceurs de la ſociété, & certainement le ſecret des lettres eſt un point fort-eſſentiel pour la paix & la douceur de la ſociété.

Qu’une lettre appartienne encore en partie à celui qui l’a écrite, c’eſt une choſe inconteſtable : il n’a écrit ſes penſées que ſous la condition qu’elle reſteroient ſecrettes, & cette condition, par la nature même de la choſe, doit être inviolable. Mais ne peut-il lui-même publier ce qu’il a écrit à un autre ? Je répète encore que non, parce qu’une lettre eſt ordinairement l’intérêt & le ſecret de deux perſonnes, parce que les penſées de l’un y ſont compliquées avec celles de l’autre ; que ſi c’eſt une réponſe, elle indique la demande ; ſi c’eſt une demande, elle peut forcer à divulguer la réponſe.

Selon les loix de la bonne foi publique, un cachet eſt pour chaque particulier un ſceau non