Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/51

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moins respectable que le ſceau même du ſouverain. Celui-ci a poſé ſon ſceau à ſes penſées afin que ſes ſujets les fachent comme lui-même ; & le particulier a poſé au contraire, ſon ſceau aux ſiennes, afin que nul autre que lui & ſon correspondant ne les connoiſſe. Ces effets contraires dérivent du même principe, l’ordre public. Il faut une marque publique & respectée pour rendre les penſées du ſouverain publiques & respectables : il faut auſſi une marque publique & respectée pour rendre respectable le ſecret des penſées de chaque citoyen. Ainſi, tout homme qui de ſon cachet ſcelle ſes penſées & ſon nom, vous dit par ce ſigne conſacré : Je mets mon nom & mes penſées dans vos mains ſous la ſauve-garde de la foi publique ; ou brûlez ma lettre, ſans la lire, ou, ſi vous la liſez, rempliſſez le devoir que mon cachet réclame : ne divulguez ni mes pensées, ni mon nom, n’indiquez même ni l’un ni l’autre en divulguant votre réponſe. Ma lettre n’étoit que pour vous ſeul. Votre réponſe ne doit être que pour moi ſeul. Du moment où vous l’avez dépoſée dans mes mains, elle eſt à moi plus qu’à vous-même.

On connoît ce geſte ſi énergique & ſi ſimple, lorsqu’Alexandre liſant une lettre, ſurprit les yeux d’Epheſtion qui la liſoit en même tems à la dérobée : il le regarde, &, ſans dire un mot, lui applique ſon cachet ſur la bouche. Ce geſte diſoit : Puisque tes yeux ſont des traîtres, que ta bouche au moins ſoit fidelle !

Quant à nous, pour nous épargner l’embarras de ſurprendre les lettres, on nous les donne à lire ; &