Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/59

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commencemens, & que la plus utile a ſouvent ſes excès ? Ne ſais-je pas que le plus grand homme fut d’abord un enfant, & toujours un homme ? Montrez donc ce qui le diſtingue, & non pas ce qui le confond. Que conclure de-là ? Que, pour le bien de la juſtice & l’honneur de l’esprit humain, il vaudroit mieux penſer aux éditions épurées qu’aux éditions complettes.

J’en préviens ceux qui daigneront lire ces feuilles, je m’arrêterai par-tout où je croirai voir à ma portée un objet utile ; & je me ſuis perſuadé qu’en recueillant ici en peu de mots quelques principes ſur la propriété des penſées, j’en pourrois tirer une conſéquence importante au repos de ceux qui écrivent, ſoit pour le Public, ſoit pour eux-mêmes, & ce nombre eſt fort-grand.

En conſidérant les penſées des hommes en ſociété comme un propriété, elles ont leurs loix. A proprement parler, on ne ſauroit aliéner ſes penſées : les écrivez-vous ? L’écriture en circonſcrit la propriété, & facilite leur jouiſſance ; le papier n’eſt que le lieu de leur dépôt. Les faites-vous imprimer ? L’effet de l’imprimerie eſt d’aſſurer à l’auteur la propriété irrévocable de ſes penſées ſous la condition d’en céder l’uſage au Public. Le moyen le plus complet d’aliéner ſes penſées eſt la converſation : ſi-tôt que vous avez proféré vos idées, vous êtes préſumé les avoir échangées contre celles des hommes avec qui vous converſez, à peu-près comme, en donnant une pièce de monnoie, vous êtes cenſé avoir reçu quelque valeur en échange. La converſation eſt un vrai com-