Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/70

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foibles nous étions bien-fous de nous craindre aſſocions-nous, & ſoyons libres.

Je termine ceci en diſant que dans une monarchie la liberté de l’imprimerie doit être, le plus qu’il eſt poſſible, étendue à l’égard des choſes, & reſſerrée à l’égard des perſonnes.

Elle doit être étendue à l’égard des choſes, parce qu’il n’eſt point de gouvernement où il ſoit plus néceſſaire de divulguer les bons principes ; elle doit être reſſerrée à l’égard des perſonnes, parce qu’il n’eſt point de gouvernement où il ſoit plus dangereux de divulguer les mauvais exemples. Quand les bons principes ſont dans le peuple même, le législateur s’y conforme dans ſes loix, & le magiſtrat dans ſes décrets ; mais quand tous les mauvais exemples ſont publics, & qu’il eſt une fois prouvé que le plus grand nombre eſt celui des vicieux, l’opinion publique eſt ſans valeur. La nation qui ſe méſeſtime ſe corrompt toujours davantage, & devient le jouet de ceux qui la gouvernent.

Le Maréchal de Grammont diſoit : Quand Dieu fit les cervelles humaines, il ne s’obligea point à la garantie. Il diſoit bien-vrai, & presque ſans exception. Si le grand Ouvrier qui fit la tête de Newton ne voulut point la garantir d’un commentaire ſur l’Apocalypſe, il ne faut pas s’étonner qu’il ait laiſſé la cervelle de Rouſſeau faire ſes Dialogues, ſes Promenades, ſes Confeſſions, ſa Lettre à M. Hume, & pluſieurs autres choſes toutes bien-ſujettes à garantie.

J’oſe avancer que tout lecteur attentif des derniers écrits de Rouſſeau conviendra qu’il étoit fou ; je dis