Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/91

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regrette que les filles ne danſent pas toutes nues avec les garçons.

Il ſoutient que les loix ne ſont bonnes à rien, & il en crée ; il mépriſe la religion, & il la profeſſe ; il nous renvoie dans les déſerts, & il n’y a plus de déſerts ; il détefſe toute ſociété, & il ſe plaint avec fureur lorsqu’on l’en éloigne ; il prétend que l’homme ſauvage eſt parfait, & il écrit quatre volumes ſur l’éducation : & je n’ai jamais ceſſé d’être d’accord avec lui, autant qu’il l’eſt avec lui-même.

Il affectoit un mépris public & décidé pour une nation célèbre, & il habitoit chez elle par préférence ; il l’outrageoit & la calomnioit, & il n’étoit occupé qu’à ſe défendre de ſes bienfaits ; il honoroit & vantoit ſa patrie, & il la fuyoit volontairement ; il a deſiré pour la première fois d’y rentrer, préciſément au moment où il l’avoit forcée de lui fermer ſes portes ; il a oſé, pour ainſi dire, l’exiler loin de lui, & ſe vanter qu’il n’étoit pas en reſte avec elle, tandis que, loin de la ſervir, il a toujours dédaigné de vivre dans ſes murs : & j’ai admiré conſtamment ſes nobles contrariétés.

Il diſoit que nous n’avions point de muſique, & dans le même tems, notre muſique étoit tranſportée avec ſuccès dans le ſein même de l’Italie ; qu’il n’y avoit point de vertus dans notre ſociété, & les étrangers de tous les pays ne ceſſoient d’accourir chez nous pour jouir de toutes les vertus ſociales ; que nous étions eſclaves, & lui-même, le plus fier partiſan de la liberté, habitoit par choix dans nos foyers ; que nous n’avions point de patrie, & nous offrions