Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mécanique pour aſſurer votre ſubſiſtance. Je lui dis encore : Vous avez atteint l’âge de raiſon, vous êtes ſouſtrait par la nature à la puiſſance paternelle ; vous pouvez à préſent mépriſer ſon autorité, parce que vous êtes ſans contredit plus aſſuré que vous vous aimez vous-même, que vous n’êtes certain que votre père vous chérit. Cette belle règle de mœurs peut vous être d’un grand uſage. Au reſte, ſi quelqu’un vous inſulte, je vous invite à l’aſſaſſiner ; le conſeil eſt dur, mais il eſt conforme à la belle nature. Je ſuis bien-aiſe auſſi de vous prévenir que vous pouvez épouſer la fille du bourreau, au cas qu’elle vous convienne ; mais dans mes principes il ne faut pas faire un choix légèrement : débutez vis-à-vis de cette charmante perſonne par de longues aſſiduités, & prenez garde que quelque fils de roi ne vienne vous l’enlever.

Il eſt très-certain, & je ſuis forcé d’en convenir, que tous les hommes qui pratiquent ſincèrement la religion chrétienne, ſont vertueux ; cependant gardez-vous de croire & de pratiquer cette religion : c’eſt un point eſſentiel de votre éducation, & j’ai cru devoir en faire un long article ; il n’eſt rien de tel pour multiplier la vertu, que d’en diminuer les motifs. Ayez pour unique frein votre propre conſcience, quoiqu’il ſoit bien-prouvé que les ſcélérats ont auſſi une conſcience, lors même qu’ils ſont le plus ſcélérats. Si votre ame eſt libre & tranquille, votre conſcience parlera bien-haut & vous l’entendrez : ſi les paſſions vous agitent avec violence, ſa voix ſera foible, étouffée, anéantie, vous ne l’entendrez plus ; ce ſera la faute de votre conſcience : vous