Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/98

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obéirez à vos paſſions & vous n’aurez rien à vous reprocher. Le principe eſt donné par mon maître : il ne peut déſapprouver la conſéquence qui en réſulte néceſſairement.

Après ces inſtructions ſalutaires, j’abandonnai mon fils à lui-même : je ne dirai pas ce qu’il devint, on le devine aſſez.

Satisfait d’avoir une poſtérité philoſophique, mon eſprit s’eſt confirmé plus que jamais dans ſa croyance : j’ai pris le téleſcope de mon maître, & je proteſte que je n’ai vu dans la ſociété que la plus vile canaille, & les valets feulement un peu moins mépriſables que les maîtres ; j’y ai vu règner tous les vices, excepté ceux qui demandent du courage. Je ſuis juſte pourtant, & je crois devoir diſtinguer les voleurs de grands chemins de cette foule de lâches fripons. Je déclare que je n’ai jamais eu de bonnes fortunes, & que toutes les femmes ſont des Laïs. J’ai reçu des bienfaits ſans nombre de la part des hommes, & je ſoutiens que tous ceux qui m’ont obligé, ſont des ſcélérats : s’il y avoit une ſeule exception, le ſyſtême de mon maître ſeroit anéanti ; il rentreroit dans la claſſe des idées communes, qui ſuppoſent les hommes mêlés de vices & de vertus.

Le vulgaire dit : Plus les hommes ſont éclairés, plus ils font ſoumis aux loix ; les loix ſont donc bonnes. Pluſieurs nations ont changé leur gouvernement, aucune n’a voulu retourner à l’anarchie ; l’anarchie eſt donc le plus grand de tous les maux. L’état de ſociété impoſe une multitude infinie de devoirs ; l’exiſtence continuée de la ſociété ne ſuppoſe