Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/156

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ajoute : « On dit que M. Carvalho, — alors directeur du Théâtre Lyrique, — hésite entre le Vaisseau-fantôme et Lohengrin. À sa place, je n’hésiterais pas, je jouerais les deux. »

Si M. Reyer se montrait indulgent pour le Vaisseau-fantôme et se déclarait admirateur de Lohengrin, il avoue que le système musical dans lequel est conçu Tristan et Yseult lui est antipathique. C’est du moins l’opinion qu’il exprimait en 1864, après avoir entendu au piano deux actes de la partition, exécutés par M. Ed. Lassen, aujourd’hui maître de chapelle à Weimar. Cette audition intime avait lieu chez le docteur X…, un des plus fervents adeptes de la musique wagnérienne. « Lassen se mit au piano, je devrais dire à l’orchestre, et il joua l’ouverture — qui n’est à proprement parler qu’un prélude instrumental. — Je tournais les pages silencieusement ; le docteur X…, assis dans un fauteuil, s’épanouissait. L’ouverture finie, les récits succédèrent aux récits, et d’autres récits leur succédèrent encore. Je n’apercevais au loin et de tous côtés que des horizons de sable ; la chaleur devenait accablante, et pas une oasis pour nous reposer, pas le plus petit filet d’eau pour étancher notre soif !… Enfin, la voix de Tristan s’unit à la voix d’Yseult. Ce que deux hautbois ou deux clarinettes peuvent exécuter, sinon sans inconvénient pour l’oreille, du moins sans difficulté, deux voix, quelque exercées qu’on les suppose, sont inhabiles à le faire : il est des intervalles rapprochés, des dissonances dont