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À cette première représentation, peu de Français étaient venus. Il y avait, uniquement, outre le personnel de l’ambassade, Gasperini, MM. Éd. Schuré et Léon Leroy, plus deux touristes qui se trouvaient là par hasard, un peintre et un étudiant en pharmacie. Gasperini adressa au Ménestrel une lettre qui parut dans le numéro du 18 juin. Malgré son enthousiasme pour Wagner, on le sent désorienté par le nouveau style de l’auteur de Tannhœuser.

« Dès les premières mesures de l’introduction, vous sentez qu’un monde harmonique nouveau vient de s’ouvrir. Vous êtes surpris, quelque chose se révolte en vous et ce n’est pas sans effroi que vous vous décidez à suivre le compositeur. Puis, ces harmonies étranges s’éclaircissent, le jour se fait dans ce chaos, vos oreilles s’accoutument à ces intervalles inusités. Peu à peu, vous trouvez dans ces accords un charme inconnu qui vous attire ; vous vous livrez sans résistance, vous n’écoutez plus l’harmonie, vous appartenez tout entier à la pensée du maître qui vous pénètre et vous envahit. Cette introduction est certainement une des grandes pages de l’œuvre ; le point culminant au point de vue dramatique est le finale du premier acte. »

Il exprime même ces réserves : « … Quand Wagner obéit à son système, il s’égare, il se perd, il s’affaisse ; dès qu’il oublie ses théories, dès qu’il se laisse être grand artiste, il touche aux plus hauts sommets que le génie humain ait jamais abordés. »