Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/238

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il unit la blague familière au bon sens bourgeois de M. Sarcey.

En dépit des prédictions fâcheuses de ses détracteurs, le triomphe de Wagner à Bayreuth avait été complet, si complet que le maître, après un banquet, reçut les ovations de ses disciples, coiffé d’une couronne d’or et donnant le bras à sa protectrice berlinoise, Mme de Schleinitz. Le départ de l’empereur d’Allemagne, aussitôt après la Walküre, avait dû froisser l’amour-propre de l’auteur, mais tous les souverains ne se piquent pas de ressembler au roi de Bavière. Plus tard, la révélation du déficit résultant de l’entreprise de Bayreuth lui causa une pénible déception qu’il fit durement expier à ses compatriotes.

À l’issue de la quatrième représentation, Wagner avait prononcé quelques paroles pour remercier le public et, à la profonde stupéfaction de l’assistance, articulé ces mots : — Vous avez vu maintenant ce que nous pouvons ; si vous le voulez, nous aurons enfin un art ! » Cette déclaration hautaine qui semblait annihiler en faveur de Wagner tout ce que l’Allemagne, avant la Tétralogie, avait produit au théâtre, dans la poésie et dans la musique, mécontenta vivement les personnes présentes et même bien des partisans de Wagner[1]. Personne ne dit

  1. Dans une lettre adressée le 19 août au Moniteur universel M. G. Monod décrivait le banquet donné à Wagner après la première série de représentations. « Après le saumon, Wagner s’est levé et a demandé à expliquer les paroles qu’il avait prononcées la veille. C’est à tort qu’on a cru que, dans sa pensée, il