Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/314

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sans restrictions dans l’œuvre du maître, veulent imposer aux autres cette admiration absolue. « Je demande, dit M. C. Saint-Saëns, à conserver ma liberté, à admirer ce qui me plaît, à ne pas admirer le reste ; à trouver long ce qui est long, discordant ce qui est discordant, absurde ce qui est absurde. » Si, en somme, il reconnaît le génie musical de Wagner, il déclare ses poèmes dramatiques insipides, remplis de bizarreries, contraires au goût français.

La critique wagnérienne, suivant lui, a le tort de vouloir diriger l’art. « Singulièrement intolérante, elle ne permet pas ceci, elle interdit cela. Défense de déployer les ressources de l’art du chant, de remplir l’oreille d’un ensemble de voix savamment combinées. Au système de la mélodie forcée a succédé celui de la déclamation forcée. Si vous ne vous y rangez pas, vous prostituez l’art, vous sacrifiez aux faux dieux, que sais-je ? » M. Saint-Saëns reproche enfin aux wagnériens de vouloir nous mettre à l’école du théâtre allemand. Dans l’épilogue de son livre, derrière la secte du wagnérisme, il voit même apparaître le spectre germanique.

Comparable au manifeste de Berlioz contre la musique de l’avenir, cette déclaration de principes par laquelle M. Saint-Saëns a hautement rompu tout lien avec les familiers de Bayreuth, a causé une vive irritation parmi les wagnéristes français et a même fait un certain bruit en Allemagne. En réalité, on ne voit pas bien sur quoi porte la discussion.