Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/344

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j’aurai, je n’en doute pas à mon tour, mon cher Berlioz, la satisfaction d’être compris de vous.

L’article du Journal des Débats que vous avez bien voulu consacrer à mes concerts ne contient pas seulement pour moi des choses bien flatteuses et dont je vous remercie ; il me fournit encore l’occasion, que je saisis avec empressement, de vous donner quelques explications sommaires sur ce que vous appelez la musique de l’avenir et dont vous avez cru devoir entretenir sérieusement vos lecteurs.

Vous aussi, vous croyez donc que ce titre abrite en réalité une école dont je serais le chef ; que je me suis un beau jour avisé d’établir certains principes, certaines thèses que vous divisez en deux catégories : la première pleinement adoptée par vous et ne renfermant que des vérités depuis longtemps reconnues de tous ; la seconde qui excite votre réprobation et ne se composant que d’un tissu d’absurdités ? M’attribuer la sotte vanité de vouloir faire passer pour neufs de vieux axiomes ou la folle prétention d’imposer comme principes incontestables ce qu’en toutes langues on nomme stupidités, serait à la fois méconnaître mon caractère et faire injure au peu d’intelligence que le ciel a pu me départir. Vos explications à ce sujet, permettez-moi de vous le dire, m’ont paru un peu indécises ; et comme votre bienveillance amicale m’est parfaitement connue, vous ne demandez pas mieux assurément que je vous tire de votre doute, sinon de votre erreur.

Apprenez donc, mon cher Berlioz, que l’inventeur de la musique de l’avenir, ce n’est pas moi, mais bien M. Bischoff, professeur à Cologne. L’occasion qui donna le jour à cette creuse expression fut la publication faite par moi, il y a une dizaine d’années, d’un livre sous ce titre : l’Œuvre d’art de l’avenir. Ce livre date d’une époque où de graves événements m’avaient interdit pour longtemps l’exercice de mon art, où mon esprit, fortifié par l’expérience, se recueillait dans l’examen approfondi des problèmes de l’art dont la solution n’avait jamais cessé de me préoccuper.