Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/345

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Voici comment je fus amené à l’écrire :

En 1848, j’avais été frappé de l’incroyable mépris que la révolution témoignait pour l’art dont c’était fait à coup sûr, si la réforme sociale eût triomphé. En recherchant les causes de ce dédain, je trouvai à ma grande surprise, qu’elles étaient presque identiques avec les raisons qui vous portent, mon cher Berlioz, à ne négliger aucune occasion d’exercer votre verve ironique à l’encontre des établissements publics de l’art et je partageai sans peine voire conviction que les institutions de ce genre, les théâtres en général et l’Opéra en particulier, sont, dans leurs rapports avec le public, guidés par des tendances diamétralement opposées au but que se proposent l’art pur et le véritable artiste. L’art n’est là, en effet, qu’un prétexte à l’aide duquel on peut, tout en conservant les dehors de la décence, flatter avec fruit les plus frivoles penchants du public des grandes villes.

J’allai plus loin. Je me demandai quelles devaient être les conditions de l’art pour qu’il pût inspirer au public un inviolable respect et, afin de ne point trop m’aventurer dans l’examen de cette question, je fus chercher mon point de départ dans la Grèce ancienne. J’y rencontrai tout d’abord l’œuvre artistique par excellence, le drame dans lequel l’idée, quelque sublime, quelque profonde qu’elle soit, peut se manifester avec le plus de clarté et de la manière la plus universellement intelligible. Nous nous étonnons à bon droit aujourd’hui que trente mille Grecs aient pu suivre avec un intérêt soutenu la représentation des tragédies d’Eschyle ; mais si nous recherchons le moyen par lequel on obtenait de pareils résultats, nous trouvons que c’est par l’alliance de tous les arts concourant ensemble au même but, c’est-à-dire à la production de l’œuvre artistique la plus parfaite et la seule vraie. Ceci me conduisit à étudier les rapports des diverses branches de l’art entre elles, et, après avoir saisi la relation qui existe entre la plastique et la mimique, j’examinai celle qui se trouve entre