Page:Servières - Tannhæuser à l’Opéra en 1861, 1895.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 16 —

naient le mérite, et la Reine de Saba, commandée à M. Gounod, et bien d’autres ouvrages de moindre valeur. Exceptionnellement nerveux et irritable, tous les tracas de cette existence de lutte et d’action exaspéraient l’artiste, au sortir de cette crise intellectuelle, de cette torpeur morale dont il parle dans sa lettre à F. Villot et où l’avaient plongé les découragements de l’exil, le commerce assidu des œuvres de Schopenhauer et la philosophie du Nirvanâ bouddhique. On comprend dès lors l’abattement dans lequel il est tombé lorsqu’il écrit à Gasperini : « J’étais au point de me décider à disparaître devant le monde. Ce qui me retient, c’est mon seul devoir envers ma pauvre femme, dont la vie est donnée entre mes mains (sic). Quant au genre humain, croyez-moi, il n’a pas besoin des sacrifices de la sorte de celui que je fais en supportant la vie[1]. »

Pourquoi les efforts de Wagner tendaient-ils à faire représenter Tannhæuser plutôt que Lohengrin ? Sans doute parce que, de tous ses opéras, c’était celui dont les Parisiens avaient le plus entendu parler. Dès le 18 mai 1849, Liszt avait publié un compte rendu du poème dans le Journal

  1. Lettre autographe du 4 juin 1860, jointe au volume de Gasperini : la Nouvelle Allemagne musicale.