Page:Servières - Tannhæuser à l’Opéra en 1861, 1895.djvu/71

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poussée par un sentiment involontaire, je sortis tout à coup du mutisme et de la réserve que mon âge m’imposait, pour m’écrier, avec une impertinence incroyable :

— À vous entendre, Monsieur, on devine tout de suite qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre et que vous parlez d’un confrère.

— Eh bien ! qu’est-ce qui te prend, méchante gamine ? dit mon père, qui voulait gronder, mais qui en dessous, riait.

— Qui est-ce ? demandai-je quand le monsieur fut parti.

— Hector Berlioz[1]. »

  1. Cette fureur de Berlioz est confirmée par le ton de ses lettres, qui laissent percer une animosité croissante, débordant enfin après la première de Tannhæuser. V. Correspondance inédite.

    13 février 1859. « Les Troyens sont toujours là, en attendant que le théâtre de l’Opéra devienne praticable. Après David (Hertulanum), nous aurons le prince Poniatowski ; après le prince, nous aurons le duc de Gotha et, en attendant le duc, on traduira la Semiramide de Rossini. »

    2 janvier 1861 « On ne peut pas sortir à l’Opéra des études de Tannhæuser de Wagner ; on vient de donner à l’Opéra-Comique un ouvrage en trois actes d’Offenbach (encore un Allemand !) que protège M. de Morny. » Il s’agit de Barkouf, paroles de Scribe.

    14 février 1861. « L’opinion publique s’indigne de plus en plus de me voir laissé en dehors de l’Opéra, quand la protection de l’ambassadrice d’Autriche y a fait entrer si aisément Wagner. »

    21 février 1861. « Wagner fait tourner en chèvres les chanteuses, les chanteurs, et l’orchestre, et le chœur de