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CYRANETTE

et, des pelouses mouillées, si vertes toujours, monte un arôme de foin que la chambre aspire par ses baies entr’ouvertes.

— Mary, soulevez-moi sur mes oreillers, voulez-vous ? J’ai à écrire.

La maid hésite. Si madame enfreint à nouveau les ordres du docteur, que dira monsieur ? Mais madame insiste :

— Entendez-vous, Mary ?

Mary obéit à regret. Pour un soldat, le devoir n’est pas très clair dès qu’un chef donne une consigne et que l’autre la viole. Et quand monsieur a dit ceci et que madame fait cela, la maid, volontiers, rentrerait sous terre.

Liette doit faire un grand effort pour tenir la plume, mais elle sait s’armer en pareil cas d’une volonté, d’une énergie qui confondent Mary, comme elles passent Mr. Wellstone en personne. Ce qui fait qu’au bout d’un petit quart d’heure, venant à rejoindre sa femme, ledit Mr. Wellstone la surprend une fois de plus en flagrant délit de désobéissance. Discrétion ou tout autre motif, Mary s’esquive sans demander son reste.

— Liette, mon enfant, vous faites mon désespoir !

— J’en suis désespérée moi-même, darling, assure doucement la coupable. Mais il me fallait écrire cette lettre. Et, l’ayant commencée, vous permettrez que je la termine.

— C’est de l’avoir commencée que je vous fais reproche, Liette. Quant à vouloir la terminer, faible comme vous l’êtes, en vérité, mon enfant, vous n’êtes pas raisonnable.

— Raisonnable, darling, je ne l’ai jamais été. Il est un peu tard pour m’y mettre aujourd’hui.

— Vous n’êtes qu’une enfant.

— Oh ! non, Robert. Autrefois, je ne dis pas. Plus maintenant, mon ami.

Elle s’exprime si gravement que le jeune homme, un instant, en demeure interloqué.

— Vous êtes une enfant, répète-t-il machinale-