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CYRANETTE

ment. Si vous n’en étiez pas une, il y a longtemps que vous seriez guérie et que nous aurions quitte Oak Grove. Mais vous ne faites rien de ce qu’il faudrait faire pour vous rétablir, ma pauvre Liette. Le jour de l’armistice, par exemple, quelle imprudence de vous en aller à Plymouth sous la pluie et par le froid !

— Pouvais-je demeurer insensible à l’enthousiasme général ? Vous-même, Robert, entendant les cloches et le canon, n’avez-vous pas renoncé à vos démarches ?

— Oui, pour rentrer chez nous et ne pas vous y trouver, hélas !

— Mais vous m’avez rejointe en ville !

— Trop tard ! Vous vous étiez échauffée et brisée à crier et à chanter.

— On m’avait reconnue comme Française et on m’acclamait de si bon cœur, on poussait de tels hourras en l’honneur de mon pays, que n’importe qui, à ma place, eût fait comme moi. N’aurais-je pas eu mauvaise grâce à me dérober, quand ces braves gens me demandaient de leur chanter la Marseillaise ou la Madelon ?

— Oui, mais dans quel état je vous ai retrouvée !

Liette baisse la tête avec accablement. C’est vrai, elle a été bien imprudente encore ce jour-là et, depuis, son mal s’est terriblement aggravé. Mais ce qui est fait est fait. Il n’y a pas à y revenir.

— Ne me grondez pas trop, darling ! Je suis si punie !

Il l’embrasse tendrement et veut lui ôter l’écritoire qu’elle tient sur ses genoux, mais elle supplie :

— Non, Robert, il faut que je termine cette lettre.

— À qui est-elle destinée ?

— Vous êtes bien curieux.

— Pas du tout, mon enfant, mais comme j’ai écrit moi-même à Chambéry, pour presser M. et Mme Daliot de venir…

— Vous n’avez pas écrit à M. le curé. Et moi, darling, je veux que M. le curé vienne aussi.