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CYRANETTE

— S’il vient, il sera le bienvenu, articule avec effort Mr. Wellstone, dont l’émotion va grandissant. Mais pourquoi lui écrire de votre main, Liette ? Je pourrais très bien le faire, moi.

— Ce ne serait pas pareil, darling. J’ai des choses à lui dire… Et si, par malheur, il ne vient pas, ces choses-là, j’entends qu’il les sache tout de même.

— Quelles choses, mon enfant ?

— Des choses que vous saurez aussi un jour, Robert.

— Pourquoi pas tout de suite ?

Liette le regarde étrangement.

— Au fait, vous avez raison : pourquoi pas tout de suite ?

Assis sur le bord du lit, il lui a passé le bras autour de la taille pour la soutenir et il sent battre contre le sien ce petit cœur de linotte.

Elle se recueille, puis câline :

— D’abord, darling, laissez-moi vous chanter quelque chose.

Il a un léger tic, l’air de dire : « mon Dieu, encore ! » mais elle va au-devant de toute objection.

— Oh ! pas la Madelon, bien entendu, elle ne serait plus de mise. Quelque chose qui vous fera comprendre ce que je ressens, darling.

Il n’ose la mécontenter.

— Chantez, mais très bas, mon enfant.

— Oui, en sourdine, à votre oreille.

Elle tousse, exprès cette fois, pour se dégager la gorge, et sa voix, contenue, mais redevenue mélodieuse et où ne tremble qu’un grand attendrissement, s’élève à peine dans le silence intime de la chambre.

Combien j’ai souvenance
Du joli lieu de ma naissance,
Ma sœur, qu’ils étaient beaux les jours
De France !
Ô mon pays, sois mes amours,
Toujours !