Page:Shaftesbury - Principes de la philosophie morale, tad Diderot, 1745.djvu/78

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vrai beau, un beau essentiel, un sublime réel[1].

    n’éprouvez rien de ces sentimens, vous prenez bien de la peine, & vous courez de grands dangers pour un homme qui ne sera qu’un ingrat, s’il suit exactement vos principes : que ne gardez-vous votre secret pour vous ? Vous en perdez tout l’avantage en le communiquant. Abandonnez-moi à mes préjugés : il n’est bon ni pour vous ni pour moi que je sçache que la nature m’a fait Vautour & que je peux demeurer en conscience tel que je suis. »

  1. S’il n’y a ni beau, ni grand, ni sublime dans les choses ; que deviennent l’amour, la gloire, l’ambition, la valeur ? à quoi bon admirer un Poëme ou un Tableau, un Palais ou un Jardin ; une belle taille ou un beau visage ? Dans ce systême phlegmatique ; l’héroïsme est une extravagance, On ne fera pas plus de quartier aux Muses : le Prince des Poëtes ne fera qu’un Ecrivain suffisamment insipide. Mais cette Philosophie meurtriére se dément à chaque moment ; & ce Poëte qui a employé tous les charmes de son art pour décrier ceux de la Nature, s’abandonne plus que personne aux transports, aux ravissemens & à l’enthousiasme : & à en juger par la vivacité de ses descriptions, qui que ce soit ne fut plus sensible que lui aux beautés de l’Univers, On pourroit dire que sa Poësie fait plus de tort à l’hypothèse des Atomes que tous ses raisonnemens ne lui donnent de vrai-