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LES APOCRYPHES.

rejeta du théâtre de Shakespeare, en la qualifiant de misérable pièce, a wretched play. Plus indulgents, Rowe et Farmer voulurent bien admettre que la touche de Shakespeare était visible dans certaines parties de Périclès, particulièrement au dernier acte, mais c’était là tout ce qu’ils pouvaient concéder. Malone intervint alors pour prendre la défense de la pièce calomniée ; il commença par affirmer qu’elle était tout entière de Shakespeare et l’une de ses premières compositions, mais, comme effrayé de sa hardiesse, il se rétracta partiellement en se ralliant publiquement à l’opinion mixte de Steevens. Steevens, lui, prétendait que Périclès était l’œuvre de quelque auteur inconnu, largement et complaisamment remaniée par Shakespeare, particulièrement dans les dernières scènes. Cette théorie a été généralement acceptée par la critique moderne. M. Collier, M. Hallam, M. Drake, y ont tour à tour adhéré. Cependant, il y a quelques années, M. Charles Knight a repris pour son compte la théorie primitivement soutenue par Malone et l’a développée avec chaleur dans une intéressante dissertation. M. Knight soutient que Périclès est l’une des premières œuvres, sinon la première œuvre de Shakespeare. Il invoque, à l’appui de sa thèse, les défauts et les faiblesses mêmes de cette composition qui trahissent l’inexpérience du jeune auteur ; et il s’arme hardiment du témoignage de Dryden qui, en 1675, dans le prologue de la Circé de Davenant, déclare que « la muse de Shakespeare a commencé par enfanter Périclès. »

Shakespear’s own muse his Pericles first bore.

Aux yeux de M. Knight, cette assertion de Dryden, corroborée par l’examen critique de l’œuvre, est absolument décisive. Dryden était l’ami de Davenant qui était le filleul de Shakespeare ; Dryden était contemporain de trois vieux comédiens qui avaient été les camarades de Shakespeare,