SIMPLE. Oui, faute d’un meilleur.
Mme VABONTRAIN. Et monsieur Nigaudin est votre maître ?
SIMPLE. Comme vous dites.
Mme VABONTRAIN. Ne porte-t-il pas une grande barbe ronde comme le tranchet d’un gantier ?
SIMPLE. Non, madame. Il a une petite figure de rien du tout, avec une barbe rare, de couleur jaune, comme la barbe de Caïn.
Mme VABONTRAIN. Un homme d’un caractère doux, n’est-ce pas ?
SIMPLE. Oui sans doute : mais il est homme à jouer des mains autant que le plus fier ; il s’est battu contre un garde-chasse.
Mme VABONTRAIN. Comment dites-vous ? Oh ! je dois me le rappeler ! Ne porte-t-il pas comme qui dirait la tête haute ? Et ne piaffe-t-il pas en marchant ?
SIMPLE. En effet.
Mme VABONTRAIN. Fort bien ; que Dieu n’envoie pas de plus mauvais parti à miss Anna Page ! Dites à monsieur le ministre Evans que je ferai ce que je pourrai pour votre maître : Anna est une bonne fille, et je souhaite…
BARBET. Sauvez-vous ! voilà mon maître qui vient.
Mme VABONTRAIN. Nous allons tous être dans de beaux draps ! Venez vite ici, jeune homme ; cachez-vous dans ce cabinet. (Elle fait entrer Simple dans un cabinet.) Il ne restera pas longtemps. Hé ! Jean, ici, Jean ; va t’informer de notre maître ; il ne rentre pas, et je crains qu’il ne soit malade. (Elle fredonne.) Tra, la, la, la.
CAIUS. Qu’est-ce que vous chantez là ? Je n’aime pas ces enfantillages. Allez, je vous prie, me chercher dans le cabinet une boîte verte ; entendez-vous ce que je vous dis ? une boîte verte.
Mme VABONTRAIN. Je vais vous la chercher. (À part.) Je suis bien aise qu’il n’y ait pas été lui-même : s’il avait trouvé ce jeune homme, il serait devenu furieux.
CAIUS. Ouf ! ouf ! ouf ! ma foi, il fait chaud. Je m’en vais à la cour pour une grande affaire.