Page:Shakespeare - Œuvres complètes, Laroche, 1842, vol 1.djvu/18

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viij NOTICE SUR SHAKSPEARE. De 1603 à 1613, on voit Shakspeare ajouter chaque année de nouveaux fleurons à sa couronne ; les chefs-d’œuvre se suivent sans interruption, jusqu’au moment où, arrivé à sa quarante-neuvième année, dans toute la force de l’âge, dans toute la vigueur de son génie, on le voit résigner ses fonctions de directeur de théâtre, réaliser sa fortune et se retirer dans sa ville natale, au sein de sa famille, qu’il n’avait jamais manqué de visiter chaque année, et à laquelle il alla se réunir pour ne plus s’en séparer. L’un de ses trois enfants, son fils Hamnet, était mort à l’âge de douze ans, en 1396. Il lui restait ses deux filles, Judith et Susanne. Cette dernière était l’enfant chéri de son père ; elle le méritait par ses hautes qualités, par sa supériorité intellectuelle. En 1607, il l’avait mariée au docteur Hall, homme de talent et de science, digne d’une telle femme et d’un tel père. Judith se maria plus tard, en 1616, à l’âge de trente-deux ans, et l’union qu’elle contracta n’obtint pas, dit-on, l’approbation paternelle. Le bonheur le plus pur dut accompagner le grand homme dans sa retraite. Possesseur d’une fortune considérable pour l’époque, et qui équivaudrait de nos jours à vingt-cinq mille livres de rente, propriétaire d’une maison à Londres, de celle qu’il habitait à Stratford, ainsi que de terres assez considérables, Shakspeare ne s’occupa plus qu’à jouir en paix de ce qui lui restait à vivre ; mais trois années de cette existence si heureuse et si douce s’étaient à peine écoulées, que la mort vint y mettre un terme, le 23 avril 1616, le jour anniversaire de sa naissance. Il venait alors de compléter sa cinquante-deuxième année. La même année, le même jour, l’Espagne perdit l’immortel auteur de Don Quichotte ; ainsi par un de ces inexplicables décrets de la Providence, ces deux grands flambeaux intellectuels qui avaient jeté sur leur patrie et sur le monde une si vive lumière, s’éteignirent en même temps. La Providence en avait allumé deux autres, et se préparait à en allumer un troisième ; Corneille et Milton étaient nés ; Molière allait bientôt naître. L’art dramatique tiré du chaos par Shakspeare, après avoir, de son vivant, atteint son plus haut degré de splendeur, continua à briller après lui d’un éclat moins vif, mais glorieux encore. Son exemple lui avait créé des rivaux : John Iletcher, auteur de comédies char