les deux autres n’ont pas le cerveau en meilleur état que nous, l’état chancelle sur sa base.
Bois, serviteur monstre, quand je te l’ordonne ; tu as les yeux, pour ainsi dire, incrustés dans la tête.
Où voudrais-tu qu’il les eût ? dans le dos ? c’est pour le coup que ce serait un joli monstre !
Mon valet monstre a noyé sa langue dans le vin : pour moi, la mer n’est pas capable de me noyer : j’ai fait trente-cinq lieues à la nage, tant bord à terre que bord au large, avant de pouvoir gagner le rivage, aussi vrai qu’il fait jour maintenant. Monstre, tu seras mon lieutenant ou mon porte-étendard.
Ton lieutenant, tant qu’il te plaira ; mais ton porte-étendard, non : il ne peut pas se porter lui-même.
Nous ne fuirons pas, seigneur monstre.
Pas plus que vous n’avancerez ; vous vous coucherez comme des chiens, sans rien dire.
Veau marin, parle une fois en ta vie, si tu es un loyal veau marin.
Comment se porte ton altesse ? Permets que je lèche tes souliers. Je ne veux pas le servir, lui ; il n’est pas vaillant.
Tu mens, monstre ignorant ; en ce moment je suis homme à colleter un constable. Dis-moi, monstre de dépravation, un homme qui a bu autant de vin que moi aujourd’hui peut-il être un lâche ? Peux-tu soutenir un pareil mensonge, créature moitié poisson, moitié monstre ?
Oh ! comme il se moque de moi ! Le souffriras-tu, mon seigneur ?
Mon seigneur, dit-il ! Faut-il qu’il soit niais, ce monstre !
Oh ! oh ! encore ! Mords-le jusqu’à ce qu’il en meure, je t’en prie.
Trinculo, retiens ta langue ; si tu fais le mutin, le premier arbre… Ce pauvre monstre est mon sujet, et je ne souffrirai pas qu’on l’insulte.
Je remercie mon noble seigneur. Te plairait-il d’écouter de nouveau la demande que je t’ai déjà faite ?
Très-volontiers. Mets-toi à genoux et répète-la ; je me tiendrai debout ainsi que Trinculo.