Comme je te l’ai déjà dit, je suis soumis à un tyran, à un ensorceleur qui, par ses artifices, m’a extorqué cette île.
Tu mens.
Tu mens toi-même, singe railleur ! Je voudrais qu’il plût à mon vaillant maître de t’exterminer. Je ne mens pas.
Trinculo, si tu l’interromps encore dans sa narration, j’en jure par cette main, je te ferai sauter quelques-unes de tes dents._
Mais je ne dis rien.
Motus donc, et qu’il n’en soit plus question. {À Caliban.) Toi, poursuis.
Je disais que par ses sorcelleries il s’est emparé de cette île et m’en a dépouillé. Si ta grandeur en voulait tirer vengeance, je sais que tu en aurais le courage ; mais celui-ci ne l’aurait pas.
C’est très-certain.
Tu serais le seigneur de cette île, et moi je te servirais.
Comment la chose peut-elle s’effectuer ? Peux-tu me conduire jusqu’à l’individu en question ?
Oui, oui, mon seigneur ; je te le livrerai endormi, et alors tu pourras lui enfoncer un clou dans la tête.
Tu mens : tu ne le peux pas.
La peste soit du niais bigarré, du malotru arlequiné ! J’en conjure ta grandeur ; donne-lui des coups et ôte-lui sa bouteille ; quand il ne l’aura plus, il ne boira que de l’eau salée ; car je ne lui montrerai pas où sont les sources d’eau douce.
Trinculo, prends garde à toi ; encore une interruption de ta part, et j’en jure par cette main, je mettrai à la porte ma clémence, et ferai de toi un stock-fish.
Mais qu’est-ce que j’ai donc fait ? Je n’ai rien fait. Je vais m’écarter un peu.
N’as-tu pas dit qu’il mentait ?
Tu mens.
Je mens ! Eh bien ! toi, attrape cela. {Il le frappe.)