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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/36

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der comme un agent d’infamie et un fripon. Va, tu n’en seras pas moins estimé.

LE SERVITEUR DE VARRON.—Qu’est-ce qu’un agent d’infamie, fou ?

LE FOU. C’est un fou bien vêtu, qui te ressemble un peu ; c’est un esprit : quelquefois il paraît sous la figure d’un seigneur, quelquefois sous celle d’un légiste, quelquefois sous celle d’un philosophe qui porte deux pierres, outre la pierre philosophale. Souvent il ressemble à un chevalier : enfin cet esprit rôde sous toutes les formes que revêt l’homme, depuis quatre-vingts ans jusqu’à treize.

LE SERVITEUR DE VARRON Tu n’es pas tout à fait fou.

LE FOU. Ni toi tout à fait sage : ce que j’ai de plus en folie, tu l’as de moins en esprit.

VARRON.—Cette réponse conviendrait à Apémantus.

TOUS. Place, place voici le seigneur Timon.

APÉMANTUS.—Fou, viens avec moi, viens.

LE FOU Je n’aime point à suivre toujours un amant, un frère aîné, ou une femme ; quelquefois je suis un philosophe.

(Sortent Apémantus et le fou.)

FLAVIUS, aux serviteurs. — Promenez-vous, je vous prie, près d’ici ; je vous parlerai dans un moment.

(Timon et Flavius restent seuls.)

TIMON. Vous m’étonnez fort ! Pourquoi ne m’avez-vous pas exposé plus tôt l’état de mes affaires ? J’aurais pu proportionner mes dépenses à ce que j’avais de moyens.

FLAVIUS.—Vous n’avez jamais voulu m’entendre ; je vous l’ai proposé plusieurs fois.

TIMON. Allons, vous aurez peut-être pris le moment où, étant mal disposé, je vous ai renvoyé ; et vous avez profité de ce prétexte pour vous excuser.

FLAVIUS. Ô mon bon maître je vous ai présenté bien des fois mes comptes ; je les ai mis devant vos yeux ; vous les avez toujours rejetés, en disant que vous vous reposiez sur mon honnêteté. Quand, pour quelque léger cadeau, vous m’avez ordonné de rendre une certaine somme, j’ai secoué la tête et j’ai gémi : même, je suis