Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 6.djvu/6

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de partager le lit de la dame, s’ils savent profiter des avantages que leur oifre une pareille situation, ils obtiendront avec la possession de la veuve sa main et tous ses biens. Dans le cas contraire, ils perdent leur vaisseau et son chargement, et repartent sur-le-champ avec un cheval et une somme d’argent qu’on leur fournit pour retourner chez eux. Peu clfrayés d’une pareille épreuve, beaucoup ont tenté l’aventure, tous ont succombe ; car, a peine dans lédit, ils s’endorment d’un profond sommeil, d’ou ils ne se réveillent que pour apprendre le lendemain que la dame plus matinale a déjà fait décharger le navire, et préparer la monture qui doit reconduire chez lui le malencontreux prétendant. Aucun n’a été tenté de renouveler une entreprise sïchère, et. dont le mauvais succès il décourage les plus vifs aspirants. Le seul Gianetto (c’est dans la nouvelle le nom du jeune Vénitien) s’est obstiné, et après deux premières déconvenues, il veut risquer une troisième aventure : son parrain Ansaldo, sans s’inquiéter de la perte des deux premiers vaisseaux dont il ignorela cause, lui en équipe un troisième, avec lequel Gianetto lui promet de réparer-leurs malheurs. Mais épuisé par les précédentes entreprises, il est obligé pour celle-la @emprunter à un juif la somme de dix mille ducats, aux mêmes conditions que celles qu’impose Shylock a Antonio. Gianetto arrive, et, averti par une suivante de ne pas boire le vin qu’on lui présentera avant de se mettre au lit, il surprend a son tour la dame qui, fort troublée d’abord de le trouver éveillé, se résigne cependant a son sort, et s’estime heureuse de le nommer le lendemain son époux. Gianetto, enivré de son bonheur, oublie le pauvre Ansaldojusqu’au jour fatal de Péchúanee du billet Un hasard le lui rappelle alors ; il part en diligence pour Venise, et le reste de l’histoire se passe comme PE représenté Shakspeare. On conçoit aisément la raison et la nécessite des divers changements qu’il a fait subir a cette aventure ; elle n’était cependant pas tellement impossible à représenter de son temps sur le théâtre qu’en ne puisse croire qu’il a été induit lt ces changements par le besoin de donner plus de moralité at ses personnages et plus d’intérêt a son action. Aussi la situation du généreux Antonio, la peinture de son caractère si dévoué, courageux et mélancolique a la fois ; ne sont-elles pas Tunique source du charme qui règne si puis=arnment dans tout l’ouvrage. Les lacunes que laisse cette situation sont du moins si heureusement remplies qu’on ne s’aperçoit d’aucun vide, tant l’âme est doucement occupée des sentiments qui en naissent naturelle nient. Il semble que Shakspeare ait voulu peindre ici, sous leurs différenlspoints de vue, les premiers beaux jours il’un heureux mariage.