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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 4.djvu/277

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comme un faible jouteur qui ne pique son cheval que d’un côté et brise sa lance de travers comme un noble oison : mais tout ce que la jeunesse monte et ce que la folie guide est toujours beau.—Qui vient ici ?

(Entre Corin).

CORIN.—Maîtresse et maître, vous avez souvent fait des questions sur ce berger qui se plaignait de l’amour, ce berger que vous avez vu assis auprès de moi sur le gazon, vantant la fière et dédaigneuse bergère qui était sa maîtresse.

CÉLIE.—Eh bien ! qu’as-tu à nous dire de lui ?

CORIN.—Si vous voulez voir jouer une vraie comédie entre la pâle couleur d’un amant sincère et la rougeur ardente du mépris et de l’orgueil dédaigneux, suivez-moi un peu, et je vous conduirai si vous voulez voir cela.

ROSALINDE.—Oh ! venez ; partons sur-le-champ ; la vue des amoureux nourrit ceux qui le sont. Conduis-nous à ce spectacle ; vous verrez que je jouerai un rôle actif dans leur comédie.

(Ils sortent.)


Scène VI

Une autre partie de la forêt.

Entrent SYLVIUS et PHÉBÉ.

SYLVIUS.—Charmante Phébé, ne me méprisez pas : non, ne me dédaignez pas, Phébé, dites que vous ne m’aimez pas ; mais ne le dites pas avec aigreur : le bourreau même dont le cœur est endurci par la vue familière de la mort, ne laisse jamais tomber sa hache sur le cou incliné devant lui sans demander d’abord pardon au patient : voudriez-vous être plus dure que l’homme qui fait métier de répandre le sang ?

(Entrent Rosalinde, Célie et Corin.)

PHÉBÉ.—Je ne voudrais pas être ton bourreau : je te quitte : car je ne voudrais pas t’offenser. Tu me dis que le meurtre est dans mes yeux ; cela est joli à coup sûr et