Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 4.djvu/360

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d’une robe d’une blancheur éclatante comme la sainteté même, elle s’est approchée de la cabine où j’étais couché : trois fois elle s’est inclinée devant moi, et sa bouche s’ouvrant pour parler, ses yeux sont devenus deux ruisseaux de larmes : après ce torrent de pleurs, elle a rompu le silence par ces mots : « Vertueux Antigone, puisque la destinée, faisant violence à tes bons sentiments, t’a choisi pour être chargé d’exposer mon pauvre enfant, d’après ton serment, la Bohême t’offre des déserts assez éloignés : pleures-y et abandonne mon enfant au milieu de ses cris ; et comme cet enfant est réputé perdu pour toujours, appelle-la, je t’en conjure, du nom de Perdita. Et toi, pour ce barbare ministère qui t’a été imposé par mon époux, tu ne reverras jamais ta femme Pauline. »—Et à ces mots, poussant un cri aigu, elle s’est évanouie dans l’air. Très-effrayé, je me suis remis avec le temps, et je suis resté persuadé que c’était une réalité et non un songe. Les rêves sont des illusions ; et cependant pour cette fois je cède à la superstition et j’y crois. Je pense qu’Hermione a subi la mort ; et qu’Apollon a voulu que cet enfant, étant en vérité la progéniture de Polixène, fût déposé ici, pour y vivre, ou pour y périr, sur les terres de son véritable père.—Allons, jeune fleur, puisses-tu prospérer ici ! Repose là, voici ta description et de plus ceci (Il dépose auprès d’elle un coffre rempli de bijoux et d’or) qui pourra, s’il plaît à la fortune, servir à t’élever, ma jolie enfant, et cependant rester en ta possession.—La tempête commence : pauvre petite infortunée, qui, pour la faute de ta mère, est ainsi exposée à l’abandon, et à tout ce qui peut s’ensuivre.—Je ne puis pleurer, mais mon cœur saigne. Je suis maudit d’être forcé à cela par mon serment.—Adieu ! —Le jour s’obscurcit de plus en plus : tu as bien l’air d’avoir une affreuse tempête pour te bercer : jamais je n’ai vu le ciel si sombre en plein jour. Quels sont ces cris sauvages ? Pourvu que je puisse regagner la barque. Voilà la chasse.—Allons, je te quitte pour jamais.

(Il fuit, poursuivi par un ours.)

(Un vieux berger s’avance près des lieux où est l’enfant.)