Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/425

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Qu’importe qu’elle fronce les sourcils, son front assombri s’éclaircira avant le soir, et alors elle se repentira trop tard d’avoir si bien caché sa joie, et avant qu’il soit jour elle désirera plus d’une fois ce qu’elle avait repoussé avec dédain. Qu’importe qu’elle essaye d’user de résistance, qu’elle lutte, qu’elle crie, qu’elle dise non ; sa faible force cédera à la fin, et la ruse lui apprendra à dire : « Si les femmes étaient aussi fortes que les hommes, je vous réponds que vous n’auriez rien obtenu. »

Conforme-toi à tous ses désirs, ne redoute pas la dépense, et surtout lorsque tes libéralités peuvent mériter des louanges en retentissant aux oreilles de ta dame ; les balles d’or finissent par abattre le château le plus imprenable, les tours, les villes.

Suis-la toujours avec une ferme confiance ; sois modeste et fidèle dans tes requêtes ; à moins que ta dame ne soit injuste, ne te presse jamais de choisir de nouveau ; quand le moment te sera propice, ne te fais pas faute d’offrir, même lorsqu’elle te refuse.

Le coq qui foule les femmes ne saura jamais les ruses et les détours que les femmes emploient en les cachant sous des apparences extérieures, les finesses et les raffinements qui se cachent chez elles. N’avez-vous pas souvent entendu dire que le non d’une femme ne veut rien dire ?

Les femmes pensent encore à lutter avec les hommes, à pécher sans s’inquiéter de la sainteté ; il n’y a point de ciel qui leur semble saint, excepté quand le temps et l’âge les atteignent. S’il n’y avait d’autre joie dans le lit que des baisers, les femmes se marieraient entre elles.

Mais doucement, c’est assez, c’en est trop, je crains, de peur que ma maîtresse n’entende ma chanson ; elle ne se fera pas faute de me donner un soufflet pour apprendre à ma langue à être si longue, mais elle rougira, je le dis ici, en me voyant trahir ainsi ses secrets.

XVIII

Vis avec moi, sois mon amie, et nous jouirons de tous les plaisirs que peuvent fournir les collines et les vallées, les ravins et les champs, et les montagnes rugueuses.

Nous nous assiérons sur les rochers, nous verrons les bergers paître leurs troupeaux au bois, des rivières peu profondes et des chutes d’eau près desquelles les oiseaux mélodieux chantent leurs madrigaux.

Là je te ferai un lit de roses, avec mille bouquets odorants, un chapeau de fleurs, et un corsage tout brodé de feuilles de myrte.