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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/80

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Glocester. ― Avez-vous touché l’article de la bâtardise des enfants d’Édouard ?

Buckingham. ― Oui ; j’ai parlé de son contrat de mariage avec lady Lucy, et de celui qui a été fait en France par ses ambassadeurs ; de l’insatiable voracité de ses désirs, et de ses violences sur les femmes de la Cité ; de sa tyrannie à propos de rien ; j’ai dit que lui-même était bâtard puisqu’il avait été conçu lorsque votre père était en France ; qu’il n’avait point de ressemblance avec le duc ; j’ai en même temps rappelé vos traits et je vous ai montré comme la véritable image de votre père, tant par la physionomie que par la noblesse de l’âme. J’ai fait valoir toutes vos victoires dans l’Écosse, votre science dans la guerre, votre sagesse dans la paix, vos vertus, la bonté de votre naturel, et votre humble modestie ; enfin, rien de ce qui pouvait tendre à vos vues n’a été laissé de côté dans ma harangue, ni touché avec négligence. Et lorsque je suis venu à la fin, j’ai sommé ceux qui aimaient le bien de leur pays, de crier : Dieu conserve Richard, roi d’Angleterre !

Glocester. ― Et l’ont-ils fait ?

Buckingham. ― Non. Que Dieu me soit aide ! ils n’ont pas dit un mot. Mais tous, comme de muettes statues ou des pierres insensibles, sont demeurés à se regarder l’un l’autre, et pâles comme des morts.― Quand j’ai vu cela, je les ai réprimandés, et j’ai demandé au maire ce que signifiait ce silence obstiné. Sa réponse a été, que le peuple n’était pas accoutumé à se voir haranguer par d’autres que par le greffier. Alors on l’a pressé de répéter mon discours : mais il n’a parlé que d’après moi ; voilà ce qu’a dit le duc, voilà comment le duc a conclu ; sans rien prendre sur lui. Lorsqu’il a eu fini, un certain nombre de mes gens, apostés dans le bas de la salle, ont jeté leurs bonnets en l’air, et environ une douzaine de voix ont crié : Dieu conserve le roi Richard ! J’ai saisi l’occasion qu’ils me donnaient. Je vous remercie, bons citoyens, braves amis, leur ai-je dit. Cette acclamation générale et ces cris de joie prouvent votre discernement, et votre affection pour Richard : et j’ai fini là, et me suis retiré.