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ACTE IV, SCÈNE VII.

le roi. — C’est l’écriture de Hamlet. Nu ! et, dans ce post-scriptum, il ajoute : seul. Pouvez-vous me conseiller ?

laërtes. — Je m’y perds, mon seigneur ; mais laissez-le venir. Tout ce que mon cœur a de malade se réchauffe quand je pense que je vivrai assez pour lui dire à ses dents : voilà ce que tu as fait !

le roi. — S’il en est ainsi, Laërtes… et comment cela pourrait-il être ainsi ?… mais comment cela serait-il autrement ?… voulez-vous vous laisser gouverner par moi ?

laërtes. — Oui, mon seigneur, pourvu que vous ne vouliez pas me tyranniser jusqu’à me faire faire la paix.

le roi. — Non. La paix avec toi-même seulement. S’il est vrai que Hamlet soit déjà revenu, et, rebuté de son voyage, s’il a dessein de ne point l’entreprendre à nouveau, je l’engagerai dans une aventure, maintenant mûrie dans ma pensée, et où il ne pourra si bien faire qu’il n’y succombe ; sa mort ne soulèvera aucun souffle de blâme, mais sa mère elle-même innocentera l’affaire et l’appellera un accident.

laërtes. — Mon seigneur, je me laisserai gouverner, et plus volontiers encore, si vous pouvez arranger vos plans de telle manière que j’en sois moi-même l’instrument.

le roi. — Cela tombe bien. On a beaucoup parlé de vous depuis votre voyage, et cela en présence de Hamlet, à cause d’un talent où vous brillez, dit-on ; l’ensemble de vos mérites n’a pas tiré de lui autant d’envie que celui-là seul ; et celui-là, pourtant, à mes yeux, est de l’ordre le moins élevé.

laërtes. — Quel mérite est-ce donc, mon seigneur ?

le roi. — Un simple ruban sur la toque de la jeunesse ; utile cependant, car la jeunesse n’est pas moins bienséante, avec la livrée légère et libre dont elle se revêt, que l’âge mûr sous son deuil et ses fourrures, convenables à la santé et à la gravité… Ici se trouvait, il y a deux mois, un gentilhomme de Normandie ; j’ai vu moi-même les Français, et j’ai servi contre eux ; ils montent bien à cheval ; mais ce galant cavalier va en ce genre jusqu’à la sorcellerie ; il prenait racine en selle et obte-