Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/202

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grâce, seigneur, — (car j’en ai encore l’esprit frappé), votre motif — pour élever cette tempête ?
PROSPERO.

Tu vas le savoir. — Par un accident fort étrange, la bienveillante fortune, — devenue ma chère protectrice, a conduit mes ennemis — sur ce rivage ; et, grâce à ma prescience, — j’ai découvert que mon zénith relève d’un astre propice dont je dois invoquer — l’influence, sous peine de voir mes destins — décliner à jamais… Cesse ici tes questions. — Tu as envie de dormir. C’est un assoupissement salutaire ; — laisse-le te gagner ; tu n’es pas, je le sais, libre de le vaincre.

Miranda s’endort.

— Accours, serviteur, accours, me voici prêt. — Approche, mon Ariel, viens.

Entre Ariel.
ARIEL.

— Salut, grand maître ! grave seigneur, salut ! je viens — pour satisfaire ton meilleur désir : qu’il s’agisse de voler, — de nager, de plonger dans le feu, de chevaucher — sur les nuages frisés ! À ton service impérieux emploie — Ariel et toute sa bande.

PROSPERO.

Esprit, as-tu — exécuté minutieusement la tempête que je t’ai commandée ?

ARIEL.

De point en point. — J’ai abordé le vaisseau du roi : tantôt sur l’avant, — tantôt au centre, sur le pont, dans chaque cabine, — j’ai fait flamboyer l’épouvante. Parfois je me divisais — et je brûlais en différentes places : au mât de hune, — aux vergues, au beaupré, je me partageais enflammes distinctes, — puis me réunissais en une