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SCÈNE I.

CLAUDIO.

Et sur ma foi, monseigneur, j’ai dit la mienne.

BÉNÉDICT.

Et moi, sur ma foi double et sur mon double honneur, j’ai dit la mienne.

CLAUDIO.

Que je l’aime, je le sens.

DON PEDRO.

Qu’elle en est digne, je le sais.

BÉNÉDICT.

Que je ne sens pas comment elle peut être aimée, que je ne sais pas pourquoi elle en est digne, voilà ce que je déclare. Le feu même ne ferait pas fondre sur mes lèvres cette opinion. Je mourrais pour elle sur le bûcher.

DON PEDRO.

Tu as toujours été un hérétique têtu à l’encontre de la beauté.

CLAUDIO.

Il ne pourrait pas maintenir aujourd’hui son rôle, sans cette obstination-là.

BÉNÉDICT.

Qu’une femme m’ait conçu, je l’en remercie ; qu’elle m’ait élevé, je lui en suis aussi bien humblement reconnaissant. Mais je ne veux pas plus sonner l’hallali au-dessus de ma tête qu’accrocher piteusement une corne de chasse à quelque invisible ceinturon ; et toutes les femmes doivent me le pardonner. C’est parce que je ne veux pas avoir ce tort de me méfier d’une d’elles, que je veux avoir le droit de ne me fier à aucune. La conclusion, et je n’en serai que plus accompli, c’est que je vivrai garçon.

DON PEDRO.

Avant que je meure, je te verrai pâle d’amour.