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BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN.

BÉNÉDICT.

De colère, de maladie ou de faim, monseigneur, mais d’amour, jamais ! Prouvez-moi que l’amour me fait plus perdre de sang que le vin ne m’en rend, et je veux bien qu’on me crève les yeux avec la plume d’un faiseur de ballades, ou qu’on m’accroche à la porte d’un bordel en guise de Cupidon aveugle !

DON PEDRO.

Soit ! si jamais tu manques à ce vœu-là, tu seras cité comme un fameux exemple.

BÉNÉDICT.

Si j’y manque, qu’on me suspende dans une cruche comme un chat, et qu’on me prenne pour cible (20) : et quant à celui qui m’atteindra, qu’on lui frappe sur l’épaule, en l’appelant Adam l’Archer (21) !

DON PEDRO.

C’est bon. Qui vivra verra.

Le sauvage taureau porte à la fin le joug !

BÉNÉDICT.

Le sauvage taureau, c’est possible ! Mais si jamais le sage Bénédict le porte, qu’on arrache au taureau ses cornes, et qu’on les plante sur ma tête. Qu’on fasse de moi un affreux portrait, et qu’en grosses lettres, comme on écrirait : Ici, bon cheval à louer, on mette sous mon enseigne cet avis : Ici, vous pouvez voir Bénédict, l’homme marié !

CLAUDIO.

Si jamais la chose t’arrive, quelle bête à cornes tu feras !

DON PEDRO.

Ah ! si Cupidon n’a pas épuisé à Venise tout son carquois, prépare-toi à trembler bientôt.

BÉNÉDICT.

C’est qu’il y aura ce jour-là un tremblement de terre !