Eh bien, Pandarus ?
Eh bien, mon aimable prince ? Avez-vous vu ma nièce ? Non. Je sais que vous ne l’avez pas vue.
— Non, Pandarus. J’erre devant vos portes — comme une âme étrangère sur les bords du Styx — attendant la barque. Oh ! sois mon Charon, — et transporte-moi vite à l’Élysée, — et vole avec moi vers Cressida ! —
Promenez-vous ici un moment de plus : je vais l’amener tout de suite.
Je crains qu’elle ne veuille pas venir : pour sûr, elle ne voudra pas.
Comment ! ne pas venir, quand je suis son oncle ! Je vous dis, prince, qu’elle raffole de vous. Ah ! la pauvre petite coquine ! ah ! la petite coquine ! elle ne fait que penser, et pensera ce qui doit se passer entre vous deux. Oh ! que c’est bon ! Oh ! que c’est bon ! Oh !… Ne pas venir, quand je suis son oncle !
Tu me flattes toujours ; mais, je t’en prie, flatte-moi encore. Vois-tu, je voudrais espérer ; je voudrais ne pas me réveiller de mon rêve charmant. Espérance, que tu es douce ! Mais espérer toujours, et ne pas voir s’accomplir ce qu’on espère !
Oh ! faible cœur ! faible cœur ! les vieux proverbes ont souvent raison… Non ! elle ne viendra pas, je le garantis ; elle n’a pas de mon sang dans les veines, elle n’en a pas de quoi remplir une puce ! Ah ! si elle ne vient pas, si elle ne vient pas, si elle ne vient pas de tout son élan dans vos bras, je n’ai plus rien à dire, si ce n’est qu’elle a renié toute grâce, et voilà tout.
Je te crois : va donc, mais ne me trompe pas.
Non, vous ne voulez pas que j’y aille ! vous êtes indifférent ! irai-je, voyons ? Dites le mot alors… Après tout, que m’importe ? Vous pouvez bien vous contenter de votre propre prestige, et dédaigner le cœur d’une aimable jeune fille. C’est bon, je n’irai pas.
Vole, vole, tu me tortures.