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VÉNUS ET ADONIS.

CLXXXVI

» Oui, oui, c’est ainsi qu’Adonis a été tué ; il courait avec la pointe de sa lance sur le sanglier, qui, sans vouloir le frapper de sa dent, pensait le calmer par une caresse. Et c’est en se frottant contre son flanc délicat que l’animal épris lui a involontairement enfoncé son boutoir dans l’aine.

CLXXXVII

» Si j’avais eu des dents comme lui, je dois confesser que j’aurais tué Adonis au premier baiser ; mais il est mort, sans avoir accordé à ma jeunesse les bénédictions de la sienne, et je n’en suis que plus maudite. » Sur ce, elle se laisse tomber, et se couvre le visage du sang coagulé d’Adonis.

CLXXXVIII

Elle regarde ses lèvres, elles sont pâles ; elle lui prend les mains, elles sont froides ; elle murmure un récit plaintif à ses oreilles, comme si elles entendaient ses douloureuses paroles ; elle soulève les paupières qui lui couvrent les yeux ; las ! deux lampes éteintes y sont enfouies dans les ténèbres.

CLXXXIX

Ces deux glaces, où elle-même elle s’est mirée mille fois, ne réfléchissent plus rien ; elles ont perdu la vertu qui naguère faisait leur excellence ; toutes ces beautés sont désormais dépouillées de leur éclat. « Merveille des