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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/78

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SONNETS.

Si, au milieu de ces pensées où je vais me mépriser moi-même, je pense par hasard à toi ; — alors, comme l’alouette s’envolant au lever du jour de la sombre terre, ma vie chante un hymne à la porte du ciel.

Car le souvenir de ton doux amour m’apporte une telle richesse que je dédaignerais de changer avec les rois.

XLIV

Quand aux assises de ma pensée doucement recueillie j’assigne le souvenir des choses passées, je soupire au défaut de plus d’un être aimé, et je pleure de nouveau, avec mes vieilles douleurs, ces doux moments disparus.

Alors je sens se noyer mes yeux inhabitués aux larmes, en songeant aux précieux amis perdus dans la nuit sans fin de la mort. Je donne de fraîches larmes à des chagrins de cœur dès longtemps effacés, et je gémis sur l’absence de plus d’une image évanouie.

Alors je me lamente sur les lamentations passées, et je refais péniblement de douleur en douleur le triste compte des souffrances déjà souffertes, et je le solde de nouveau comme s’il n’était pas déjà soldé.

Mais si pendant ce temps je pense à toi, cher ami, toutes mes pertes sont réparées et tous mes chagrins finis.

XLV

Ton sein s’est enrichi de tous ces cœurs que je supposais morts parce qu’ils me manquaient ; en toi je retrouve