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LES DEUX GENTILSHOMMES DE VÉRONE.

— Car les dédains dans le passé augmentent l’amour dans l’avenir. — Si elle fait la moue, ce n’est pas en haine de vous, — mais au contraire pour vous rendre plus amoureux. — Si elle vous gronde, ce n’est pas pour vous congédier ; — car ces folles-là sont furieuses si on les laisse seules. — Ne vous rebutez pas, quoi qu’elle vous dise. — Par retirez-vous, elle n’entend pas partez ! — Flattez, louez, vantez, exaltez ses grâces : — si noire qu’elle soit, dites-lui qu’elle a une figure d’ange. — L’homme qui a une langue, je le dis, n’est pas un homme — si, avec sa langue, il ne sait pas gagner une femme.

le duc.

— Mais celle dont je parle est promise par ses parents — à un jeune homme de qualité ; — et elle est si sévèrement tenue à l’écart des hommes — que, pendant le jour, nul n’a accès près d’elle.

valentin.

— Eh bien, j’essaierais de l’aborder la nuit.

le duc.

— Oui, mais les portes sont si bien fermées, et les clefs si bien serrées — que pas un homme ne peut l’approcher la nuit.

valentin.

— Qui empêche d’entrer par sa fenêtre ?

le duc.

— La chambre est à une telle hauteur, et la muraille en est si escarpée, qu’on ne peut pas y grimper — sans risque évident de la vie.

valentin.

— Eh bien, une échelle, artistement faite de cordes — et pendue à deux crochets bien ancrés, — suffirait, pour escalader la tour de la nouvelle Héro, — au Léandre hardi qui tenterait l’aventure.