Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 8.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
LE MARCHAND DE VENISE.

vous choisissez celui où je suis renfermée, — notre fête nuptiale sera célébrée sur-le-champ, — mais si vous échouez, il faudra, sans plus de discours, — que vous partiez d’ici immédiatement.

aragon.

— Mon serment m’enjoint trois choses : — d’abord, de ne jamais révéler à personne — quel coffret j’ai choisi ; puis, si je manque — le bon coffret, de ne jamais — courtiser une fille en vue du mariage ; enfin, — si j’échoue dans mon choix, — de vous quitter immédiatement et de partir.

portia.

— Ce sont les injonctions auxquelles jure d’obéir — quiconque court le hasard d’avoir mon indigne personne.

aragon.

— J’y suis préparé. Que la fortune réponde — aux espérances de mon cœur !… Or, argent et plomb vil.

Qui me choisit doit donner et hasarder tout ce qu’il a.

— Tu auras plus belle mine, avant que je donne ou hasarde rien pour toi ! — Que dit la cassette d’or ? Ha ! voyons !

Qui me choisit gagnera ce que beaucoup d’hommes désirent.

— Ce que beaucoup d’hommes désirent… Ce beaucoup peut désigner — la folle multitude qui choisit d’après l’apparence, — ne connaissant que ce que lui dit son œil ébloui, — qui ne regarde pas à l’intérieur, mais, comme le martinet, — bâtit au grand air, sur le mur extérieur, — à la portée et sur le chemin même du danger. — Je ne veux pas choisir ce que beaucoup d’hommes désirent, — parce que je ne veux pas frayer avec les esprits vulgaires — et me ranger parmi les multitudes barbares. — À toi donc, maintenant, écrin