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APPENDICE.

c’était vrai, reprit sa gaieté. Étant sorti de sa chambre, il raconta la chose aux barons et à ses amis, et l’amour ne fit que s’en accroître entre les deux époux. Ensuite messire Gianetto manda la chambrière qui, un soir, lui avait insinué de ne rien boire, et la donna pour femme à messire Ansaldo. Et tous passèrent en allégresse et en fêtes le reste de leur longue existence.



ROSALINDE.

Trésor légué par Euphues et trouvé après sa mort à Silexedra.
Rapporté des Canaries par Thomas Lodge, gentilhomme[1].
Traduit de l’anglais en français par F.-V. Hugo.


Près de la cité de Bordeaux vivait un chevalier de très-honorable maison, que la fortune avait gratifié de maintes faveurs, et la nature, honoré de nombre de qualités exquises. Il était si sage qu’il pénétrait aussi loin que Nestor dans les profondeurs du gouvernement civil, et, ce qui rendait sa sagesse plus gracieuse, il avait ce salem ingenii et cette agréable éloquence qui étaient tant admirés dans Ulysse. Sa valeur n’était pas moindre que son esprit, et

  1. Dans une dédicace adressée à Lord Hunsdon, lord chambellan de la reine Élisabeth, l’auteur dit avoir composé ce roman pendant un voyage qu’il fit aux Terceires et aux Canaries. À l’époque où il écrivait, l’Angleterre était encore dans toute la ferveur de son enthousiasme pour l’Euphues de Lilly, ce chef de l’école précieuse dont j’ai longuement parlé dans l’Introduction au sixième volume. Voilà pourquoi Thomas Lodge crut assurer le succès de sa légende en la présentant comme une sorte d’appendice à une œuvre universellement vantée. Il est certain que la Rosalinde obtint momentanément une vogue considérable, s’il faut en juger par le chiffre des réimpressions qui en furent publiées pendant plus de cinquante ans ; mais il est certain aussi qu’elle serait aujourd’hui complètement oubliée, si Shakespeare ne l’avait immortalisée dans un chef-d’œuvre. Du reste, la nouvelle, éditée pour la première fois en 1592, sous le nom de Lodge, n’est pas une création originale du poëte qui l’a signée : elle n’est que le développement d’une vieille ballade, intitulée le Conte de Gamelyn, et attribuée à quelque obscur contemporain de Chaucer.