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APPENDICE.

tion, Saladin alla trouver le jeune Rosader et se mit à lui parler de ce tournoi et de ces joutes, lui rappelant que le roi serait là, et les principaux pairs de France, et toutes les belles damoiselles de la contrée : « Ah ! frère, lui dit-il, pour l’honneur de sire Jehan de Bordeaux, pour illustrer cette maison qui a toujours eu des hommes accomplis dans la chevalerie, montre ta résolution d’être intrépide. Cadet par les années, tu es l’aîné par la valeur. Prends la lance de mon père, son épée et son cheval, cours au tournoi, et romps vaillamment une lance, ou dispute au Normand la palme de l’adresse. »

Les paroles de Saladin étaient autant de coups d’éperon à un cheval ardent ; car à peine les eut-il prononcées que Rosader le serra dans ses bras, prenant cette offre en si bonne part qu’il promit de faire tout au monde pour lui témoigner sa reconnaissance.

Le lendemain était le jour du tournoi, et Rosader était si désireux de montrer ses sentiments héroïques qu’il passa la nuit presque sans dormir ; mais aussitôt que Phébus eut replié les rideaux de la nuit, il se leva, et, ayant pris congé de son frère, chevaucha vers le lieu désigné, chaque mille lui faisant l’effet de dix lieues jusqu’à ce qu’il fût arrivé.

Mais laissons-le à son impatience et venons au roi de France Thorismond. Celui-ci, ayant banni par la force Gérismond, le roi légitime[1] qui vivait dans la forêt des Ardennes comme un homme hors la loi, cherchait à occuper les Français par toutes les distractions qui pouvaient les amuser. Entre autres plaisirs, il avait imaginé ce tournoi solennel où il devait se rendre accompagné des douze pairs de France ; et voulant charmer les spectateurs par la vue des objets les plus rares et les plus

  1. Le vieux duc, dans Comme il vous plaira.