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ROSALINDE.

Là-dessus, ils s’embrassèrent avec maints serments,
Hey ! ho ! avec maints serments,
Et devant le dieu Pan engagèrent leur foi,
Et à l’église vite allèrent.
Que Dieu envoie à toute jolie fille,
Hey ! ho ! toute jolie fille !
Qui craint de mourir de cet ennui-là,
Un aussi bon ami pour la guérir !

Coridon ayant ainsi égayé les convives, comme l’hilarité était à son comble, on vint dire à Saladin et à Rosader qu’un certain Fernandin, leur frère, était arrivé et désirait leur parler. Gérismond, entendant cette nouvelle, demanda qui c’était. « Sire, répondit Rosader, c’est notre second frère, qui est étudiant à Paris, mais je ne sais quelle occurrence l’a obligé à venir nous chercher. » Sur ce, Saladin alla au-devant de son frère qu’il reçut avec une entière courtoisie, et Rosader lui fit un accueil non moins amical : le nouveau venu fut introduit par ses deux frères dans le parloir où tous étaient à table. Fernandin, qui connaissait les bonnes manières aussi bien que les problèmes de la philosophie, — aussi bien élevé qu’il était lettré, — salua toute la compagnie. Mais dès qu’il aperçut Gérismond, se jetant à ses genoux, il lui rendit l’hommage dû à son âge et prononça ces paroles :

— Très-puissant prince, quoique le jour des noces de mes frères soit un jour de gaîté, le moment réclame d’autres occupations : élancez-vous donc de ce banquet friand aux instruments de combat. Et vous, fils de sir Jehan de Bordeaux, arrachez-vous à vos amours pour courir aux armes : au lieu de vos bien-aimées, étreignez vos lances, et que ce jour vous trouve aussi vaillants que, jusqu’ici, vous avez été passionnés. Sache en effet, Gérismond, que sur la lisière de cette forêt, les douze pairs de France sont rangés en bataille pour revendiquer tes droits ; Thorismond, entouré d’une bande de renégats désespérés, est