— Si nous restons tous deux, nous sommes tous deux sûrs de mourir.
— Eh bien, laissez-moi rester ; et vous, père, fuyez. — Grande serait votre perte, grande doit être votre prudence ; — mon mérite est inconnu, ma perte serait inaperçue. — Les Français seraient peu fiers de ma mort ; — ils le seraient de la vôtre ! En vous toutes nos espérances sont perdues. — La fuite ne saurait ternir l’honneur que vous avez acquis ; — elle ternirait mon honneur, à moi qui n’ai pas fait d’exploit. — Chacun jugera que vous avez fui pour mieux faire ; — mais, si je plie, on dira : C’était par peur ! — Plus d’espoir que jamais je tiendrai ferme, si, à la première heure, je recule et me sauve. — Ici j’implore à genoux la mort — plutôt qu’une vie préservée par l’infamie.
— Tu veux donc ensevelir toutes les espérances de ta mère dans une seule tombe !
— Oui, plutôt que de déshonorer le sein de ma mère !
— Par ma bénédiction, je te somme de partir.
— Oui, pour combattre, mais non pour fuir l’ennemi.
— Une portion de ton père peut être sauvée en toi.
— Tout ce que j’en sauverais serait déshonoré.
— Tu n’as jamais eu de gloire, et tu n’en peux pas perdre.