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LES FARCES.

Ce que vous voudrez est comme la conclusion des deux pièces précédentes. Cette œuvre type est due à la collaboration des causes essentielles qui, jusqu’ici, ont agi séparément, le libre arbitre et la force des choses. Ici une moitié de l’action est voulue, l’autre ne l’est pas. Le tour joué à Malvolio est le résultat d’un concert entre les personnages, juste comme, dans les Joyeuses Épouses de Windsor, le tour joué à Falstaff. En revanche, l’illusion dont tous sont dupes finalement est produite par un hasard qui réunit à l’improviste sur le même point deux jumeaux complètement pareils. La rencontre surprenante de Sébastien et de Viola dans Ce que vous voudrez a le même effet comique qu’a eu dans la Comédie des erreurs le rapprochement d’Antipholus d’Éphèse et d’Antipholus de Syracuse : la mystification générale. Ce que vous voudrez est la combinaison suprême de ces deux bouffonneries primordiales, la farce de l’homme et la farce de la nature.

I

Une controverse littéraire fort intéressante a été soulevée dès le siècle dernier à propos des Joyeuses Épouses de Windsor. Dans cette discussion, qui dure encore, les principaux commentateurs de Shakespeare ont successivement dit leur mot, et l’anarchie des opinions semble aujourd’hui plus marquée que jamais. Si le lecteur veut me le permettre, je vais à mon tour intervenir dans le débat, et, après l’avoir résumé, hasarder humblement mon hypothèse, — hypothèse qui n’a d’autre prétention que d’être la conclusion logique des plus consciencieuses recherches.

Commençons par exposer les faits.

Le 18 janvier 1602, la première édition des Joyeuses