tress Page, lisant la déclaration d’amour de Falstaff, s’écrie avec indignation : « Quelle légèreté cet ivrogne flamand a-t-il donc découverte dans ma conduite pour oser m’assaillir de cette manière ? » Cette qualification d’ivrogne adressée au Flamand par une bouche anglaise était d’autant plus offensante, remarquons-le, qu’elle exprimait un grief national. Les contemporains de Shakespeare accusaient fort sérieusement le peuple des Pays-Bas de les avoir initiés à l’ivrognerie. Sir John Smythe raconte avec amerture, dans ses Causeries (1590), que la nation anglaise, jadis une des plus sobres de la chrétienté, contracta ce détestable vice à la suite des campagnes de Flandre. Or, est-il probable qu’une pièce contenant des paroles si injurieuses pour les mœurs flamandes ait été représentée devant un ambassadeur flamand, à la grande satisfaction de cet ambassadeur ? Non, certes. Eh bien, chose digne de remarque, ces deux passages, si malsonnants aux oreilles flamandes, que contient la comédie revisée, ne sont pas dans la comédie ébauchée. Dans la pièce publiée en 1602, il n’est pas question d’ivrogne flamand, et le membre de phrase donner son beurre à un Flamand manque justement à la phrase dite par Gué. Je conclus de là que c’est l’œuvre primitive qui fut jouée devant l’envoyé de l’archiduc. Le sarcasme, interdit à Shakespeare lors de la conception de la comédie, lui fut amplement permis lors de la révision. Quand le plénipotentiaire de la maison d’Autriche fut parti, quand les négociations furent rompues entre Bruxelles et Londres, quand les rives opposées de la Flandre catholique et de l’Angleterre protestante furent redevenues ennemies, le poëte alors reprit sa liberté, et fut parfaitement à l’aise pour ouvrir contre les papistes flamands le feu de ses épigrarames.
Ceci admis que la pièce représentée devant Vereiken en