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SCÈNE XIV.

sir todie.

Va, sir André, embusque-toi sur son passage, comme un recors, au coin du jardin ; aussitôt que tu l’apercevras, dégaine ; et, tout en dégainant, jure horriblement ; car il arrive souvent qu’un effroyable juron, hurlé d’une voix de stentor, donne une plus haute idée d’un courage que ne le ferait la meilleure preuve. En avant.

sir andré.

Ah ! pour les jurons, rapportez-vous-en à moi.

Il sort.
sir tobie.

Eh bien, non, je ne remettrai pas cette lettre ; car l’attitude de ce jeune gentilhomme montre qu’il a de la capacité et de l’éducation ; son emploi d’intermédiaire entre son seigneur et ma nièce ne prouve pas moins : conséquemment cette lettre, si parfaitement inepte, ne lui causerait pas la moindre terreur ; il reconnaîtrait qu’elle vient d’un oison. Mais, mon cher, je transmettrai le cartel de vive voix ; je ferai à Aguecheek une notable réputation de valeur, et j’inculquerai à ce gentilhomme (que la jeunesse, j’en suis sûr, doit rendre facilement crédule) la plus formidable idée de sa rage, de son adresse, de sa furie et de son impétuosité. Grâce à moi, ils auront l’un de l’autre une telle peur qu’ils se tueront mutuellement du regard comme des basilics.

Entrent Olivia et Viola.
fabien.

Le voici qui vient avec votre nièce ; laissons-leur le champ libre, jusqu’à ce qu’il se retire, et aussitôt entreprenez-le.

sir tobie.

Je vais pendant ce temps méditer quelque horrible réfaction pour le cartel.

Sortent sir Tobie, Fabien et Maria.