Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 1.djvu/152

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SPEED. — Je te dis que mon maître est devenu un amoureux très-chaud.

LANCE. — Et je te dis, moi, que cela m'est égal que l'amour l'échaude. Viens, si tu veux, avec moi, à la boutique à bière ; sinon je t'appelle Hébreu, Juif et indigne du nom de chrétien.

SPEED. — Pourquoi cela?

LANCE. — Parce que tu n'as pas assez de charité pour suivre un chrétien dans sa bière. Veuxtu venir ?

SPEED. — A ton service. (Ils sortent.)

SCENE VI
Milan. — Un appartement dans le palais du duc.
Entre PROTÉE.

PROTÉE. — Abandonner ma Julia, c'est être parjure ; aimer la belle Silvia, c'est être parjure ; trahir mon ami, c'est être encore plus parjure, et cependant le pouvoir qui m'imposa mon premier serment est le même qui me provoque à ce triple parjure. Amour m'ordonne de jurer et Amour m'ordonne de me parjurer. Oh ! Amour, doux tentateur, si tu as fait le péché, enseigne à ton sujet induit en tentation à l'excuser! J'ai d'abord adoré une étincelante étoile, mais maintenant j'adore un soleil céleste. Les vœux irréfléchis peuvent être rompus par la réflexion, et il manque d'esprit, celui qui manque d'une volonté assez résolue pour persuader à son esprit d'échanger l'inférieur contre le meilleur. Fi, fi, langue irrévérencieuse ! Oser appeler inférieure celle dont tu as si souvent affirmé la souveraineté par vingt mille serments tirés du plus profond de mon âme ! Je ne puis cesser d'aimer, et c'est cependant ce que je fais ; mais, dans mon cas particulier, je cesse d'aimer là où je devrais continuer à aimer. Je perds Julia et je perds Valentin. Pour les garder, il faut que je me perde moi-même ; si, au contraire, je les