Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 1.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE V, SCÈNE IV. 181

SILVIA. —0 ciel !

PROTÉE. ■—Je te forcerai de céder à mon désir.

VALENTIN, s’avançant. — Gredin, cesse cet attouchement brutal et malappris, ami de faux aloi !

PROTÉE. — Valentin !

VALENTIN. — Ami de l’espèce ordinaire, c’est-à-dire sans foi et sans affection (car c’est là ce qu’est aujourd’hui un ami), être perfide ! tu as trahi mes espérances ; rien, si je ne l’avais vu de mes yeux, n’aurait pu me le persuader. Maintenant je n’ose plus dire que j’ai un ami vivant, tu me démentirais. Et à qui voudrait-on se fier lorsqu’un homme rend sa main droite parjure envers son cœur ? Protée, je suis désolé de ne plus pouvoir me fier à toi et d’être contraint désormais, à- cause de toi, de rester étranger au monde. La blessure intime est la plus profonde. O temps maudit ! penser qu’entre tous vos ennemis, un ami peut être le pire !

PROTÉE.—Ma honte et mon crime me confondent ! Pardonne-moi, Valentin ; si un sincère chagrin est la rançon suffisante d’une offense, je te l’offre maintenant ; je souffre aussi fortement que j’ai péché.

VALENTIN. — Rien, je suis payé alors, et une fois encore je t’accepte pour honnête. Celui qui n’est pas apaisé par le repentir, n’est digne ni du ciel ni de la terre, qui s’en tiennent pour satisfaits, car l’Éternel laisse fléchir sa colère devant la pénitence. Pour te montrer combien mon amitié est vraie et exempte de rancune, je te donne tout ce qui m’appartenait dans Silvia.

JULIA. — O malheureuse que je suis !

(Elle s’évanouit !)

PROTÉE. — Regardez donc l’enfant.

VALENTIN. — Eh bien, enfant ! en bien, petit farceur ! qu’est-ce donc que cela ? Qu’y a-t-il ? levez les yeux, parlez.

JULIA. — O mon bon Monsieur, mon maître m’avait chargé de remettre un anneau à Madame Silvia, ce que, par négligence, je n’ai jamais fait. PROTÉE.— Où est cet anneau, enfant ?