ACTE I, SCÈNE III. 29
vouts vous soyez éprise de si grande passion pour le plus jeume fils du vieux sire, Roland ?
ROSALINDE. — Le duc mon père aimait tendrement son père.
CÉLIA.. — S’ensuit-il que vous deviez aimer tendrement son fils ? D’ajorès cette manière de raisonner, je devrais le haïr, car mon père haïssait le sien de tout son cœur ; cependant je ne hais pas Orlando.
ROSALINDE. —■ Non, ma foi, ne le hais pas par amour pour moi.
CÉLIA.—Et pourquoi ne le haïrais-je pas ? N’est-il pas plein de mérite ?
ROSALINDE. — Permettez-moi de l’aimer pour cette "raison, et aimez-le parce que je l’aime. Voyez, voici venir le duc.
CÉLIA. — Avec des yeux pleins de colère.
Entre LE DUC FRÉDÉRIC, avec des Seigneurs.
LE DUC FRÉDÉRIC. — Madame, faites la plus grande diligence et quittez notre cour. •
ROSALINDE. — Moi, mon oncle ?
LE DUC FRÉDÉRIC. — Vous, ma nièce. Si d’aujourd’hui en dix jours vous êtes rencontrée près de notre cour à une distance de moins de vingt milles, vous encourrez la mort.
ROSALINDE. — Je supplie Votre Grâce de me laisser au. moins emporter la connaissance de ma faute : si je possède pleine conscience de moi-même, si j’ai la connaissance de mes propres désirs, si je ne rêve pas, ou si je ne suis pas folle, comme j’ai la confiance que je ne le suis pas, en bien alors, — mon cher oncle, je n’ai jamais offensé Votre Altesse, même de l’ombre d’une pensée.
LE DUC FRÉDÉRIC — Ainsi parlent tous les traîtres*, si les paroles suffisaient pour purger leurs fautes, ils seraient tous innocents comme l’innocence même : qu’il te suffise de savoir que je me défie de toi.
ROSALINDE. — Cependant votre méfiance ne peut faire